Chasse à l’homme

Calista sursaute. Sa smartwatch vibre : de précieuses informations de DNA Romance s’affichent. En quelques clics, elle les parcourt. Quelle brillante idée que d’investir auprès de cette société ! La plus performante en matière de décryptages génétiques. Le prélèvement discret de la salive des potentiels candidats ? La pratique ne semble poser aucun problème de conscience à la businesswoman. Vivre avec son temps, telle est sa devise. Le spécimen géolocalisé à l’instant semble en tout point idéal. Selon les algorithmes, il lui est compatible à 82 %. Un record depuis le début de sa quête ! Une rencontre s’impose. Son horloge biologique tourne… Paresseusement, elle s’extirpe de son sofa ergonomique, vérifie son allure via la caméra du hall avant d’ordonner à son assistant virtuel de verrouiller la porte d’entrée.

Quarante-cinq degrés à l’ombre ! Heureusement, sa LF-230 climatisée s’avance jusqu’au perron. Prestement, Calista connecte sa smartwatch au GPS du véhicule électrique. Son instinct de chasseuse flaire la bonne proie !

À peine le seuil du 25hours franchi, le garçon au génome parfait lui saute aux yeux. Quel beau gosse !  La copie conforme de sa photo de profil…

–    Un verre de Thère, jeune homme ? suggére Calista en s’installant à ses côtés.

Le nouveau cru préféré des octogénaires branchés favorisera-t-il le rapprochement entre les deux candidats à l’amour ? « Pas de phrases bateaux ! Trop ringard…» assénait régulièrement sa coach. De l’assurance, rien que de l’assurance !

  • Pourquoi pas ! Au point où j’en suis…
  • Au point où tu en es ?

Calista feint d’écouter les lamentations du jeune homme.

Rupture récente, valise devant la porte, chambre au Think Tank… Le scénario classique ! Bien que l’établissement soit à la pointe du progrès, Vicenzo estime le Think Tank trop impersonnel. Côtoyer des majordomes à intelligence artificielle à longueur de journée, très peu pour lui. Vivre et échanger avec autrui, voilà ce à quoi il aspire.

  • On poursuit la discussion ailleurs ?
  • Avec plaisir ! répond le jeune homme, loin de se douter des motivations de son interlocutrice.
  • As-tu lu « Clair de terre » d’André Breton ? tente la jeune femme en sortant du 25hours.

Survoler le recueil vieux de plus de 200 ans fait partie de sa stratégie. Culture et poésie appâtent les hommes en mal de romantisme…

  • En fait, je suis plutôt polars que poèmes.

Chou blanc !

  • Ton job te laisse le temps de lire ? Que fais-tu dans la vie ? enchaîne Calista bien qu’elle connaisse la réponse. »

Trader en CO2 : un job d’avenir !, estime-t-elle.  Son intérêt feint lui semble indispensable à sa mission séduction ! Vicenzo explique ses opérations sur le marché du dioxyde de carbone, le stress inhérent à ces échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre entre entrepreneurs… Actuellement, plus rien de tout ça ne correspond à ses aspirations profondes. Ces transactions vont à l’encontre des engagements de l’Union européenne. Comment les États parviendraient-ils à transformer l’air pollué si les industriels continuent à tricher ? Qui plus est, légalement !

Calista, sent son désir monter. Elle réoriente la discussion via le thème des hobbys. Voyages interplanétaires, cuisine moléculaire…

  • Et niveau couple, comment vois-tu l’avenir ?

À quatre-vingt-cinq ans, Vicenzo se considère dans la force de l’âge.   Alors, passer sa vie dans une chambre d’hôtel… Calista jubile intérieurement ! Les hormones en rut, elle effleure la cuisse musclée du jeune homme. Bizarre, ce mouvement de recul. Ne lui plaît-elle pas ? Même avec son costume argenté en guanidine ? Cette tenue imprégnée de phéromones censée la rendre irrésistible ? Les candidats précédents lui étaient tombés dans les bras dès la fin de soirée.  Ce soubresaut n’est sans doute qu’un réflexe. Sensuellement, elle chevauche sa conquête et pose ses lèvres sur sa bouche charnue…

Calista se relève péniblement, fesses et coudes endoloris, une empreinte de main marquant sa joue.

Un galant féru de préliminaire, quelle tuile !

Texte de base envoyé à mon formateur par message privé puisque les deux textes réunis dépassent évidemment les 6000 signes…

Analyse

Premièrement, je suis passée du passé au présent qui me semble plus approprié à cet exercice incisif. L’instantanéité permet d’alléger et d’aller à l’essentiel. D’autre part, les phrases sans verbe amènent une certaine nervosité sans pour autant se dénuer de leur sens. Selon moi, ce nouveau rythme colle parfaitement à l’impatience de la protagoniste.

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