Nouvelle pour enfants de 6-8 ans : Le renardeau qui voulait visiter la ville lumière

« Viens jouer à chat avec nous Diablo. » Le renardeau souleva une paupière, exaspéré. Mes frères et sœurs sont tellement agités… De vrais écervelés !  Il referma les yeux et continua à rêvasser. La veille, pendant que sa mère faisait son marché dans le poulailler du fermier, Diablo avait aperçu, par la fenêtre entrouverte, une sorte de boîte carrée où défilaient des images. Sur l’écran, une ville pleine de lumière. Depuis, il ne pensait plus qu’à l’immense Tour de fer qui l’avait tant impressionné. De tous mes camarades, je suis le plus rapide et le plus endurant. En moins d’une semaine, je devrais y arriver. Demain, à l’aube, c’est décidé, je pars. Ainsi, à peine le jour se leva que le renardeau quitta la tanière familiale sur la pointe des pattes. Il longea la rivière, s’y désaltéra au passage, en lapant l’eau cristalline. Au milieu de la matinée, il avait déjà atteint la lisière de la forêt.  L’estomac dans les talons, il bondit sur une tourterelle. Satisfait de son déjeuner et ne souhaitant pas perdre plus de temps, il décida de poursuivre droit devant lui. Les chemins ne mènent-ils pas tous à cette cité illuminée ? Jusque-là, le paysage ne différait que peu de son univers habituel. Les fleurs printanières coloraient les prés verdoyants. Papillons et insectes voltigeaient au-dessus des prairies. Au fur et à mesure qu’il avançait, les arbres se faisaient toutefois de plus en plus rares et les bâtiments de plus en plus hauts. Bientôt, les sentiers devinrent des routes et des bolides carrossés y roulaient à vive allure. Inconscient du danger, Diablo entreprit la traversée d’une autoroute. L’idée que ces drôles de bêtes pétaradantes soient si rapides ne l’effleura même pas. Lorsqu’il atteint le milieu de la quatrième piste, un camion surgit en klaxonnant. Surpris et effrayé, le goupil prit ses jambes à son cou et arriva de justesse de l’autre côté. Haletant, il comprit qu’il avait échappé de peu à une mort certaine. Courageux, il continua. Le doute commençait pourtant à s’insinuer en lui. De nombreuses questions lui venaient à l’esprit : allait-il dans la bonne direction ? Où dormirait-il ce soir ? Sa famille s’était-elle aperçue de son absence ? Le cherchaient-ils ? Ici, tout n’était plus que grisaille. Pas le moindre lapin de garenne à se mettre sous la dent. Il courait depuis si longtemps qu’il en était épuisé et affamé. Mais où trouver à manger ? Soudain, une odeur alléchante fit frémir sa truffe noire. Il suivit le fumet jusqu’au bus d’un rôtisseur de poulet. Diablo bondit sur le grill, au risque de se brûler les babines, et s’empara de la plus grosse volaille. Surpris, le marchand n’eut guère le temps de réagir, mais un passant, le prenant pour un chien errant, barra la route à Diablo. Lequel dut lâcher son festin et déguerpir. Pauvre Renardeau ! Il s’endormit le ventre vide, dans un hangar abandonné. Il aurait tant aimé se calfeutrer dans la douce fourrure de sa maman. Bien sûr, il la trouvait parfois exigeante : il préférait par exemple courir après les papillons plutôt que d’apprendre à chasser. Mais ce soir-là, loin d’elle, il comprit qu’elle ne voulait que l’éduquer et l’aider à grandir. Même ses frères et sœurs commencèrent à lui manquer.   Au milieu de la nuit, il fut réveillé par un Vulpes citadin. « Eh, petit ! Que fais-tu là, tout seul ? Où est ta famille ? Tu es un peu jeune pour dormir sans adulte, dans ce sinistre endroit.
  • J’ai fui la forêt. J’aimerais rejoindre une ville très illuminée que j’ai vue dans la boîte magique, chez le fermier.
  • Tu parles sans doute de Paris ? En voilà une drôle d’idée. Aucun des nôtres n’est jamais revenu de là-bas. Et sache surtout que tu te diriges à l’opposé de ta destination. »
Les larmes perlèrent dans les yeux du renardeau.
  •  Comment vais-je rebrousser chemin ? Je ne sais plus d’où je suis venu ?
  • Ah petit ! Tu aurais dû y penser avant… Essaie de dormir ! Demain est un autre jour. »
Diablo s’assoupit. Il rêva de gigantesques bolides carrossés, de poulets rôtis qui s’envolaient dès que son museau les effleurait… Sa nuit fut courte et agitée. Au petit matin, de plus en plus affamé et déshydraté, il sortit du hangar et tenta de se souvenir d’où il était arrivé. Toutes les rues se ressemblaient. Pas le moindre arbre pour les discerner ! La queue entre les jambes, il marcha sur quelques centaines de mètres. Le Vulpes citadin le rattrapa.                    « Alors l’ami, bien dormi ? As-tu pris ton petit-déjeuner ?  Devant la mine déconfite du jeune renard, son aîné devina qu’il n’avait rien mangé.                    « Allez ! Suis-moi ! » Diablo n’en croyait pas ses yeux. Derrière un bâtiment rouge, les poubelles débordaient de tranches de viande hachée et de pains mous, de poulet enrobé de drôles de grains dorés et de bâtonnets de pommes de terre comme il n’en avait jamais goûté ! Il dévora à s’en faire sauter les flancs, un filet de sauce pourpre lui coulant le long des babines.
  • Voilà des années que je ne suis pas retourné en forêt. Ça me fera des vacances. Je te raccompagne ! proposa le citadin.
  • Oh ! Merci ! répondit le renardeau, soulagé. »
Après une journée de marche, d’abord sur du béton puis sur de jolis chemins de gravier, Diablo reconnut, au loin, le chant de la rivière qu’il avait longée la veille. Ils ne devaient plus être très loin.   Arrivé à la tanière, Diablo, accompagné de son nouvel ami, fut déçu de constater que personne ne l’attendait. Il se mit à glapir. Une pie, posée sur une branche qui surplombait leur repaire, lui expliqua que tous étaient partis à sa recherche.  Ayant pitié du pauvre renardeau, l’oiseau noir et blanc lui proposa de survoler les alentours. S’il rejoignait la famille renard, il les avertirait du retour de leur fils. Peu après, la renarde et ses petits, alertés par la pie, accoururent. Diablo était si heureux de les retrouver. Il promit de ne plus jamais franchir la lisière de la forêt. Le Vulpes citadin se sentit si bien en ce bois qu’il s’installa dans une tanière voisine et resta ami avec toute la famille de Diablo.

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